A propos du peintre

Sophie Lafont en 7 dates, une démarche, une sensibilité...

Sophie Lafont en 7 dates

21 septembre 64 : Je nais à Versailles

1989 : J’arrive à Toulouse avec Juliette (1 an) et travaille en tant que chef de fabrication dans une agence de Communication, naissance de Laetitia (91)

1997 : Première réalisation de 33 costumes pour Rocky Horror Pictures Show : ma vie de costumière commence, elle durera 20 ans.

2000 : Je fabrique un Elfe ailé et rencontre Julien Rabbe qui me fait découvrir la magie des matières mêlées, l’usage de la peinture en costume et l’importance d’un travail artistique global cohérent. Au cours de toutes ces années, je mènerai des projets petits et grands pour le théâtre classique ou contemporain,  pour la danse ou le cabaret et surtout, pour le plaisir de servir le spectacle.

2005 : Je rencontre Mireille Gausi, peintre occitane, elle m’enseigne le dessin, puis m’ouvre le chemin de la peinture avec exigence et passion. Je découvre l’acte de peindre comme une évidence vitale et colorée : première exposition de 30 toiles dès 2011 à la galerie Le Palladion à Toulouse puis seconde exposition personnelle en 2012 : ma vie de peintre débute…

2010 Toujours les costumes, pour ma 50ème création, c’est avec le Grenier de Toulouse pour une pièce qui me touche particulièrement : Frida Kahlo

2021 : Quelques 200 tableaux plus tard, à chaque pas de peinture le processus de création recommence, quasi inchangé et à chaque pas le bonheur est intact.
Accrochage au jardin des Combelles les 4 et 5 septembre, une centaine de tableaux exposés, posés ou suspendus ici et là, au creux des arbres, au bord du chemin, au milieu des fleurs et des arbustes, adossé à une brouette, à un transat ou à un vieux mur.

Je suis aussi l’une des nombreuses arrières petites filles de Hugues de Beaumont, peintre (1874-1947)

Une démarche

Je suis un peintre instinctif, je passe à l’acte sans prévenir ni me poser de question. Cela s’est imposé dans ma vie comme une évidence.

Puissent mes tableaux vous toucher vers le cœur.

La peinture est un mode de communication qui remonte à la nuit des temps, les hommes préhistoriques dessinaient et peignaient et les enfants, qui n’ont pas encore la maîtrise de la parole, dessinent et peignent.
Pour moi la peinture est ce langage universel, qui n’a pas besoin de mots pour atteindre son but : partager les choses cœur et peut-être de l’âme, aller à l’essentiel, au premier matin du monde.

Une sensibilité

Je peins pour la lumière.

Comme avec un filet à papillons pour attraper les papillons, j’attrape la lumière avec mes brosses pour la poser sur des planches de bois.
Je ne sais pas ce qui se cache dans la lumière des choses… C’est, sans nul doute, cette âme de la lumière qui habite le tableau.

Je peins pour trouver ma place dans ce monde.

A l’évidence, les sujets que je peins tentent de s’imposer avec leurs contours et leur matière, Je lutte avec eux pour qu’ils ne prennent pas toute la place, que je puisse exprimer mon désir. Qui trouve sa place sur la planche, ce qui est peint ou celle qui peint ?

Je peins pour arrêter le temps,

Pour stopper cette oscillation constante de mon cerveau entre le passé et le futur, entre l’avant et l’après. Pendant un moment, être simplement ici et maintenant, présente et heureuse dans cet acte gratuit et sans conséquence.

Pas d’enjeu, pas de challenge, pas de risque ou si peu.

Comme je marche dans la ville, un pas puis un autre pas, je marche en peinture, un tableau puis un autre tableau, est-ce que ce sont les pas qui comptent où le chemin qu’ils permettent de parcourir ?

Je peins comme je respire, pour vivre
Je peins pour la lumière et sa part d’ombre magnifique
Je peins par désir et par émotion


Sophie Lafont – Ambres 31/août 2021

Chaque tableau est un discours...

Je connaissais Sophie. Elle était notre costumière. Rapide et efficace. Intelligente et créative.Une bonne pro. Et réglo en affaire. Dans nos métiers du théâtre ça se remarque. Je l’ignorais artiste peintre. J’aurais pu me douter de quelque chose, mais non, j’ignorais ce talent. La fâcheuse tendance du« à chacun sa case ». Et la folie, le mystère, l’énergie ? On oublie qu’il y a ça en chacun de nous mais il faut le support, il faut l’exprimer, il faut que ça sorte. Chez Sophie ça sort, ça jaillit, c’est généreux, c’est malin, c’est insolent ! Ah ! J’oubliais ! C’est beau, c’est troublant, c’est la vérité vraie, c’est de l’art d’aujourd’hui.La première fois que j’ai vu a été plus qu’une surprise, quelque chose comme un cadeau inattendu, ou une claque qui réveille. Je lui ai évidemment acheté une toile. Une nature morte aux A comme agneau, agrume, aubergine ou ananas. Je lui en aurais bien volé plusieurs mais je garde un fond d’honnêteté. Et puis une autre expo et une autre toile, et, puis d’autres, et, tiens ! un cadeau ! Ah ? Un portrait ? et voilà une relation qui s’étoffe. Je suis devenu un aficionado, dirait-on. Un amateur. Un connaisseur. Un ami.En fait le mot toile est faux. Sophie peint sur toutes sortes de supports qui ne sont pas « fait pour ça ». Plaque de contre plaqué, voliges mal rabotées, bout de bois déjà peint… Sophie me donne l’impression de pouvoir peindre sur toute chose qui peut supporter ses coups de spatules et de pinceaux. J’aurais pu dire « œuvres » aussi. Oui, mais voilà, Sophie a un tel air de ne pas y toucher, de faire comme si c’était le hasard, que le mot oeuvre semble venir d’un autre monde.

L’homme écorché

Mais au fait qu’on-t-ils de si passionnants ses tableaux ? Pourquoi s’y attacher ?C’est la grande question sur l’art de peindre. Peindre artistiquement c’est très prosaïquement mettre des couleurs trouvées dans des tubes sur une palette pour ensuite les prendre du bout d’un pinceau et les disposer sur un support. Bon. Nous voilà bien avancés. On peut dire aussi que c’est faire voir ce qu’on ne voit pas. Ce qu’on voit n’est pas la réalité. Toute la réalité. Pour une certaine réalité il y a la photo.La peinture de Sophie est plus subtile. Elle prend des photos et interprète la photo.Elle montre un bureau vide, sous les toits, une porte ouverte et des poutres qui semblent détruites ou bien fatiguées. Elles ont 150 ans. Les voilà qui en ont cinq cents. Quelle catastrophe a-t-il subi ou quelle fusée va s’y envoler, quel mystère se cachait dans ses reflets ?Et cette porte ouverte sur un jardin ? Quelques meubles et l’amour dehors sans doute, sous les ombrages.Et celui qui fait voir sa jeunesse d’esprit sous les cheveux blancs du grand-père, celui qui ose montrer par un support couvert de lambeaux d’affiches le passé du modèle. Lui seul le saura. D’autres regardeurs pourront le deviner.Et ces bouteilles à pustules dangereuses sont vides de quoi ? que nous disent-elle ? Qu’un artiste alcoolique est monnaie courante ou qu’elles servirent de bougeoir ? Qu’il faut lutter durement pour ne pas retomber ?Et celui enfin de cette mise en abyme ou Sophie se peint elle même en train de peindre et disparaît au milieu des couleurs. Beau comme un Cézanne.Ce que je dis à propos de quelques tableaux en ma possession je pourrais le dire de multiples autres et même de ceux que je ne connais pas.Chaque tableau est un discours. Une échappée de vérité. Une conversation à venir.

Jean-Pierre Agazar – Ambres, le 10 décembre 2018

Une vie sur mesure...

Sophie : elle se taille une vie sur mesure dans la toile de son choix

Dominique Dussourd – 2013

Je ne voulais pas peindre…

Je ne voulais pas peindre…

Je ne voulais pas peindre… quelle idée !
Je voulais savoir dessiner pour pouvoir dessiner des costumes, faire des maquettes digne de ce nom pour les metteurs en scène un peu difficiles à convaincre.
Jusque là, je me débrouillais avec des livres de peintures : les costumes de l’avare aux couleurs de Goya « dans la chair et dans la lumière » avais-je dis au metteur en scène. L’art pictural est une mine immensément riche pour une costumière débutante qui doit donner à voir.
Mireille Gausi m’a appris à dessiner en regardant les choses et l’espace dans lequel ces choses évoluent, c’est-à-dire de passer de la 3D à la 2D c’est-à-dire aplatir les volumes parce que le format d’une page ne peut pas contenir de volumes, cela n’est pas dans sa nature de page.
Donc apprendre à mettre à plat et à voir des formes et des taches en succession et ordonnées d’une façon ou d’une autre et le sujet du dessin apparaît à coup sûr, fidèle au modèle.
Mireille m’a ensuite proposé d’apprendre la couleur… Ah bon, la couleur ! Mais pourquoi ? Je n’ai pas envie de peindre, quelle idée !
J’ai perfectionné mes aptitudes au dessin durant quelques mois et puis un jour où Mireille insistait à nouveau j’ai accepté de me confronter aux sept contrastes, comme aux sept piliers de la sagesse, aux sept péchés capitaux ou aux sept merveilles du monde… c’est assez amusant, finalement les couleurs… je m’approprie les consignes et découvre le vrai bonheur d’ étaler cette pâte colorée avec anarchie. Une fois gravies les sept marches, la fin de cet apprentissage propose la reproduction d’une toile de maître. J’ai choisi Géricault, un cavalier napoléonien dont le cheval se cabre avec panache, la guerre au loin, le regard tourné vers le passé qu’il regrette et qu’il fuit, tout dans le même mouvement. Très romantique, très passionné !

Pour la première fois j’ai entamé le process de fabrication d’un tableau : choix du sujet, choix du format, cadrage, repérage, dessin, mise en place du fond… et puis il fallait commencer à peindre, comment ça fonctionne un pinceau ? Une brosse, comment s’en sert-on ?
Je me suis jetée dedans un peu comme d’habitude : pas peur, un peu comme le dessin, une tâche brune et puis un peu de blanc sur le côté et une tâche rouge un peu orangé là…. Je pose toutes ces tâches rapidement, il faut bien avancer et je me mettrai à peindre après ça, le vrai travail de peindre commence plus tard nécessairement. Hop, hop, hop ça avance vite, c’est un peu brouillon, et puis c’est du bonheur, du vrai bonheur, celui du moment présent, intense, léger, hors du temps. Pour la première fois je me fiche du but à atteindre, le chemin vers ce but est la seule importance.
A contrario, en costume, c’est le costume terminé que j’ai en tête qui me guide au long du chemin de fabrication, je n’aime pas coudre, j’aime le costume sur scène porté par un comédien ou une comédienne. On peut faire un costume sans nécessairement le coudre…
On ne peut pas faire une peinture sans peindre.
En fait je n’ai jamais commencé à peindre le cavalier de Napoléon, une fois toutes les couleurs posées là, le tableau était fini.
Depuis, à chaque pas de peinture le process recommence, quasi inchangé et à chaque pas le bonheur est intact

Prise de risque 50X50 2007

Je ne l’ai pas voulu mais aujourd’hui je suis peintre. Cela manquerait à ma vie aussi surement que le sommeil.

Merci à Mireille Gausi sans qui tout ceci ne serait pas arrivé, elle m’a montré le chemin avec exigence et passion

Sophie Lafont – décembre 2012